5 minutes, le 5 Juin 1989

' Il était midi ce 5 Juin 1989, aux abords de Tian'anmen. La nuit précedente, un mois et demi d'occupation avait pris fin dans un bain de sang. La Croix Rouge chinoise dénombra au moins 2600 morts, victimes d'une attaque militaire dont on a oublié la violence et la sauvagerie. Jamais , même aux plus sombres heures du maoïsme , Pékin n'avait connu une intervention d'une telle ampleur. 

Ce matin-là , une colonne de chars nonchalante quittait le lieu du crime. C'est alors qu'il a surgi : le dernier des pékinois. L'homme se tenait seul face au monstre , avec sa chemise blanche et ses poches de supermarché. Droit , superbe , digne. Le char tenta de le contourner, mais par 2 petits pas chassés, il le força à se figer. Il escalada ensuite la carapace, échangea quelques mots avec le conducteur et redescendit sur le bitume. La danse reprit un bref instant jusqu'à ce que des passants ou des policiers , ne l'éloignent à jamais de notre champ de vision. Quelques métres plus haut, sur les balcons de l'hôtel Beijing se tenaient plusieurs cameramen et 4 photographes. Leurs images se confondent dans nos mémoires.

Personne n'a jamais su qui était l'homme de Tian'ammen, ni ce qu'il était advenu. Ce silence même entretient sa légende.' 

Adrien Gombeaud , auteur de L'homme de la place de Tiananmen.  

J'ai découvert ce texte dans le dernier magazine que Reporters sans Frontières a consacré à Ai Weiwei. Forcement, il m'a ramené en mémoires ces quelques images que nous avons tous vu en 1989 , cet homme face aux chars. 
Un symbole que notre société n'a probablement pas assez muri.